Ensemble, préservons le patrimoine religieux

«La participation des Chantiers du Cardinal au Prix Pèlerin du Patrimoine est logique»

Président du jury du Prix Pèlerin du Patrimoine, Philippe Bonnet pose son regard d’expert sur les dossiers présentés. Pour l’ancien inspecteur des Monuments Historiques, il reste encore des trésors de patrimoine à découvrir… et à préserver!

Nous sommes partenaires de l’édition 2022 pour laquelle nous remettrons un prix à l’automne. Vous pouvez télécharger le dossier de candidature à l’édition 2022 du Prix Pèlerin en cliquant ici.

 

 

Entretenir régulièrement pour préserver les églises

-Quelle place occupe le patrimoine religieux dans le patrimoine ?

–  La conservation des églises est un problème crucial. Il y a en France de nombreuses églises qui ferment ou restent ouvertes de façon très épisodiques. C’est un vrai problème. La clé de la préservation c’est l’entretien, et un entretien régulier. De plus, la loi de séparation de l’Église et l’État de 1905 a créé une ligne frontière entre des édifices qui ont été construits avant et après cette date. Les églises bâties avant 1905 restent propriétés des communes qui continuent à s’en occuper bon an mal an, c’est une responsabilité légale. Les églises construites après 1905 appartiennent le plus souvent aux associations diocésaines, mais qui elles, sont encore moins bien dotées. Là, il y a beaucoup de souci à se faire. Et puis, il y a aussi un entre-deux, cela concerne les édifices religieux qui n’appartiennent ni aux communes ni aux associations diocésaines : essentiellement des chapelles d’hôpitaux ou d’anciennes chapelles de congrégations religieuses.

L'église du Sacré-Cœur de Gentilly (94)

L’église du Sacré-Cœur de Gentilly (94) bâtie en 1936 pour les étudiants de la cité universitaire. (Photo Gil Gil Fornet/Chantiers du Cardinal)

– Pour quelles raisons cela pose-t-il problème ?

– Certaines congrégations religieuses ferment, il y a des regroupements de communautés, les dernières sœurs qui desservaient un couvent vont rejoindre leurs consœurs dans des couvents plus importants et leurs bâtiments sont vendus. C’est un peu la même chose pour les hôpitaux. Donc, il y a tout un patrimoine hospitalier en France qui n’intéresse plus grand monde. Justement, au sein du jury du Grand Prix Pèlerin, nous sommes attentifs à ces édifices en péril. Presque chaque année, une chapelle d’hôpital ou de congrégation religieuse reçoit un prix, parce que sans ces appoints financiers, cela serait dramatique.

[COMPRENDRE] Les enjeux de la loi de 1905

L'action des Chantiers du Cardinal pour la préservation

– Pour ces églises, bâties après 1905, l’action des Chantiers du Cardinal (en Île-de-France) est donc importante dans la préservation du patrimoine religieux ?

–  Aujourd’hui, les églises bâties par les Chantiers du Cardinal ont quasiment un siècle ! Certaines sont devenues des éléments du patrimoine qui posent d’ailleurs des problèmes de conservation pour différentes raisons. C’est un peu le même cas que pour les églises du XIXe siècle en général et celles qui ont été construites après 1905 : on a construit beaucoup et souvent pas dans les meilleures conditions. On était parfois contraint par des critères financiers, avec des matériaux pas forcément pérennes. Le béton armé a été utilisé pour les églises pratiquement dès son invention mais on ne maitrisait pas encore bien la technique, c’est un problème aujourd’hui.

Sous l’effet de la pollution et des intempéries les fers font éclater le béton de Notre-Dame du Raincy. Une campagne de restauration, financée par les Chantiers du Cardinal est en cours au printemps 2022. (Crédit paroisse)

On le voit par exemple avec l’église Notre-Dame de Royan (17) (qui n’a pas été bâtie par les Chantiers du Cardinal), elle date d’après la Deuxième Guerre Mondiale. Le béton laisse beaucoup à désirer et à Royan c’est un climat maritime… Alors le béton s’effrite, les fers apparaissent, rouillent et à leur tour font exploser le béton. Ces édifices sont quasiment plus difficiles à restaurer techniquement que la cathédrale Notre-Dame-de-Paris ou une chapelle romane du XIIe siècle ! Pour ces édifices en béton, il faut des reprises de pans entiers de maçonnerie et comme en général c’est conçu d’un seul tenant, c’est vraiment compliqué techniquement.

[VOIR] Le projet de restauration du clocher en béton armé de Notre-Dame du Raincy (93)

– L’implication des Chantiers du Cardinal au Prix Pèlerin du Patrimoine vous parait donc logique ?

– Oui, c’est tout-à-fait logique, parce qu’on reconnaît aujourd’hui l’intérêt du patrimoine du XXe siècle et il a sa place à côté du legs des siècles précédents.

– Le prix remis par les Chantiers du Cardinal concerne la restauration ou la création…

– Dès le début, Les Chantiers du Cardinal et le jury du Prix Pèlerin ont toujours attaché beaucoup d’importance à la création. Car la création d’aujourd’hui c’est le patrimoine de demain ! Nous avons donc encouragé – et primé – des créations de mobilier religieux ou de vitraux dans des édifices anciens.  En tant qu’inspecteur des Monuments Historiques cela a toujours été l’un de mes chevaux de bataille d’ailleurs : il ne faut pas figer un édifice. Dès l’instant qu’il y a un manque, par exemple des vitraux détruits par faits de guerre ou vétusté, il ne faut pas s’interdire de faire une création contemporaine, y compris dans des édifices monuments historiques. Parmi les dossiers que nous apportent Les Chantiers du Cardinal, il y a parfois des restaurations ou des achèvements d’édifices existants et assez souvent des vitraux ou du mobilier liturgique. Enfin, j’aimerais ajouter que le concours Pèlerin a le souci de la transmission, avec chaque année, le Prix du jeune artisan d’art et depuis trois ans le Prix du jeune apprenti du patrimoine. Cela encourage le recrutement de jeunes dans les métiers du patrimoine et facilite leur formation.

Découvrez le travail de Bruno de Maistre, lauréat en 2016 pour le mobilier liturgique du centre Jean-Paul-II à Colombes (92)

Derrière chaque dossier, une aventure humaine

– Pourquoi est-ce intéressant pour une paroisse, ou pour un artiste, de participer à ce prix ? Cela va sans doute au-delà de l’aspect financier ?

–  L’aspect financier effectivement est important mais ce n’est pas la seule dimension. Le Prix est remis par un groupe de presse, Bayard, qui a une certaine envergure à travers le titre Pèlerin et ses autres titres (La Croix…). Cela donne une visibilité médiatique, avec des relais dans les régions. Et puis, du point de vue des associations, ou des particuliers qui participent, je constate que ce sont des personnes, ou des structures, qui se sentent un peu isolées, qui ne savent pas forcément à quelle porte frapper. Elles ont besoin de soutien financier certes, mais aussi de conseils. Nous remplissons notre rôle : par exemple tous les dossiers sont étudiés attentivement, avec des réponses personnalisées. Nous donnerons des conseils, des contacts dans leur département, des adresses d’entreprises aux demandeurs d’un dossier qui n’a pas été primé mais qui présente quand même un interêt patrimonial. Car dans la restauration, on n’improvise pas ! Il y a plusieurs années, on voyait arriver des devis de restauration de retable par des menuisiers locaux plutôt spécialisé dans l’agencement de cuisine… Dès l’origine de ce Prix, on a martelé que la restauration c’est l’affaire de professionnels. Il faut respecter un certain nombre de normes de règlements etc. Pour les édifices on conseille de demander un diagnostic à des architectes du patrimoine car pour restaurer une chapelle il faut vraiment étudier précisément les pathologies de l’édifice… Au fil des années il y a quand même eu un sérieux de plus en plus accru, avec une perception vraiment de de la nécessité de passer par des professionnels du patrimoine.

Charles Stavropoulos, maître-verrier des Ateliers Lucas Concept, lauréat en 2019, sur le chantier de restauration du vitrail de l’église Saint-Paul-de-la-Vallée-aux-Renards à Fresnes (94).

– Qu’est-ce que ce Prix vous a apporté personnellement?

– Je suis un professionnel du patrimoine depuis 40 ans, aujourd’hui je suis retraité et actif. J’ai beaucoup appris d’abord parce que le patrimoine de notre pays est colossal. Évidemment c’est quelque chose que l’on sait, mais à travers ce concours, on le mesure encore plus ! Le classement au titre des Monuments Historiques existe depuis 1840, et pourtant je vois arriver chaque année, des édifices ou des œuvres d’art qui sont passés à travers les mailles du filet, qui ne sont pas protégés ! Cela peut paraître une aberration que des édifices importants pour l’histoire ou l’histoire de l’art, soient non protégés aujourd’hui ! C‘est vraiment une erreur de croire que le patrimoine français est vraiment hyper connu. Le territoire est vaste, et il n’y a pas assez de personnes chargées de gérer le patrimoine, l’inventaire global n’est pas encore fait et on peut encore voir arriver des pépites. Et puis, derrière chaque dossier qui arrive dans le bureau de Pèlerin, il y a une aventure humaine ! Ça aussi, c’est fabuleux, des gens qui se réunissent, se mobilisent autour d’un projet de restauration. Même si je croise aujourd’hui beaucoup de gens de ma génération – il faut espérer un renouvellement des cadres  – globalement il y a toujours un enthousiasme autour de la sauvegarde du patrimoine. Des gens comme Stéphane Bern, compagnon de route du Prix Pèlerin, sont là pour assurer une médiatisation à la hauteur des enjeux. Or, on a besoin de mécènes parce que les besoins sont immenses. La France est riche de patrimoine et l’État et les collectivités locales, même si elles prennent leur part de responsabilité, ne peuvent pas tout assumer.

Le Grand Prix Pèlerin, une aventure depuis 1990

Fondé en 1990, le Grand Prix Pèlerin du Patrimoine met en lumière les acteurs du patrimoine. Associations, particuliers, communes, paroisses, artistes… Ils oeuvrent pour la préservation et la création du patrimoine partout en France, le magazine édité par Bayard décerne chaque année plusieurs prix pour récompenser leurs actions. Le jury, présidé depuis 2004, par Philippe Bonnet, ancien inspecteur des Monuments Historiques, étudie chaque année la centaine de dossiers de candidatures (elles sont reçues jusqu’au 30 avril 2022, il est encore temps de participer !).

Les Chantiers du Cardinal sont partenaires de ce bel évènement depuis 2012 et remettent un prix spécial, doté de 10 000 euros et tourné vers le patrimoine religieux. En 2021 le prix a récompensé la création de vitraux contemporains pour l’église Saint-Joseph des Tarterêts à Corbeil-Essonne. En 2019 c’est la restauration d’un imposant mur vitrail à Fresnes (94) qui a été primée. En 2016, l’ébéniste d’art Bruno de Maistre emporte le prix pour le mobilier liturgique créé pour le centre Jean-Paul-II à Colombes (92). Quelques années plus tôt, la création d’un chemin de croix ou d’une sculpture de Christ ont également été primées… Qu’il s’agisse de restauration d’édifice du XXe siècle ou de création contemporaine pour embellir une église ou une chapelle, libre à vous de proposer votre dossier. Rendez-vous ici pour télécharger le dossier de candidature. Plus d’informations auprès de Marion Rossi à contact@chantiersducardinal.fr jusqu’au 30 avril 2022.

 

Propos recueillis par Valérie-Anne Maitre

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