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Gérard Garouste, le peintre des mots au Centre Pompidou

Le Centre Pompidou à Paris offre jusqu’au 2 janvier 2023 l’occasion de découvrir un artiste contemporain dérangeant, Gérard Garouste, auteur d’une Sainte Thérèse et créateur de vitraux. Cette rétrospective thématique nous plonge dans une œuvre qui puise sa source dans la mythologie, les textes littéraires et le récit biblique.

 

Des œuvres inclassables

C’est un facétieux autoportrait qui accueille le visiteur dans l’exposition que consacre, du 7 septembre 2022 au 2 janvier 2023, le Centre Pompidou au peintre Gérard Garouste. L’artiste s’est représenté en Pinocchio grimaçant jetant des dés. Cette peinture à la fois perturbante et énigmatique est à l’image des quelque 120 créations exposées. L’ensemble couvre de façon thématique et globalement chronologique l’ensemble de la carrière de ce sculpteur, céramiste, performeur, fondateur d’une troupe de théâtre, décorateur et acteur… aujourd’hui âgé de 76 ans. Il évoque également l’instabilité psychique de l’homme plusieurs fois interné, au travers de peintures qui renvoient directement à son enfance et à son père dans la salle intitulée : La Bourgogne, la famille et l’eau tiède.

Pinocchio et la partie de dés, détail, 2017.Collection particulière © Adagp, Paris 2022. Courtesy Templon, Paris-Brussels-New York. Photo Bertrand Huet-Tutti

Un conte ineffable

Un fil d’Ariane, sous la forme d’un texte développé au long de chaque salle (En chemin, le passeur…), guide le visiteur. Il accompagne son parcours qui débute dans les années 1970 quand le peintre invente deux personnages qui viendront habiter toute son œuvre : le Classique et l’Indien. Puis vient la passion de Gérard Garouste pour les textes mythologiques et les constellations (Atropos, Clotho, Thanatos et Cerbère, 1980 – La Vénus et le pendu, 1984). Dans ces tableaux, le peintre imprime aux membres de ces personnages une torsion que certains critiques ont qualifié de « maniéristes » à l’instar d’un Greco ou d’un Tintoret dont l’artiste revendique la filiation.

Adhara (détail), 1981. Collection Liliane & Michel Durand-Dessert © Adagp, Paris, 2022. Photo © Florian Kleinefenn

L’art sacré

Artiste reconnu, il répond en 1983 à une commande du Comité national d’art sacré (CNAS) et peint une sainte Thérèse d’Avila pour une exposition organisée au musée du Luxembourg, tableau aujourd’hui présenté à Beaubourg. Avec le maître verrier Pierre-Alain Parot, il réalise 46 vitraux pour l’église de Talant, près de Dijon (1995-1997) qui mettent en valeur le rôle des femmes dans la Bible. Pour la cathédrale d’Évry enfin, il créé un crucifix, un tabernacle et une Vierge au buisson de roses (1995).

[LIRE] La chronique de Paul-Louis Rinuy (Narthex) sur les vitraux de Gérard Garouste

[VOIR] Le tableau « Sainte Thérèse d’Avila »

Étudier les textes

Après la mythologie, Garouste puise son inspiration dans l’étude des grands textes de la littérature comme ceux de Kafka, de Rabelais ou de Goethe, le Don Quichotte de Cervantes et la Divine comédie de Dante. Une salle est consacrée à ce grand récit poétique écrit au XIVe siècle. Les personnages sont ici représentés sous des formes indistinctes (Phlégas, Dante et Virgile -1986) en décalage avec le reste de l’exposition ou les figures sont certes majoritairement déformées, tordues – y compris dans ses nombreux portraits – mais figuratives.

Le peintre étonne sans cesse. Aimant citer cette phrase de Rabbi Nachman de Brastlav « Ne demande jamais ton chemin à celui qui le connaît, tu risquerais de ne pas t’égarer », il nous pousse à nous faire notre propre interprétation des scènes représentées. À nous de nous laisser imprégner du message qu’il a voulu faire passer. Ses natures mortes vont, par exemple, bien au-delà de la simple représentation d’un miroir ou d’une coupe de fruits. Laissant à chacun libre cours à son imagination, à côté d’une figure récurrente, un vase bleu, il met des personnages en scène (Le Commandeur et le Vase bleu ou Le Commandeur renversé – 1985 ; Le Pendu, le vase et le miroir – 1985).

Le Pendu, le vase et le miroir, 1985. Ludwig Museum – Museum of Contemporary Art, Budapest © Adagp, Paris, 2022. Photo © József Rosta/Ludwig Museum

Le récit biblique

Dans la deuxième partie de l’exposition, on découvre une très importante série de tableaux profondément imprégnés de la mystique juive et inspirés par une étude approfondie de l’hébreu et du Talmud. Comme toujours chez Garouste, une figure revient de façon récurrente : celle de l’âne qui, selon l’artiste, représente « la sagesse ». Certaines scènes représentées peuvent paraître délirantes au premier regard (Balaam – 2005) mais sont toujours peintes avec une précision diabolique et un talent lumineux.

Balaam, 2005. Musée national d’art moderne, Centre Pompidou, Paris. Don de la Société des Amis du Musée national d’art moderne en 2006 © Adagp, Paris, 2022. Photo © Centre Pompidou, MNAM-CCI/Philippe Migeat/ Dist. RMN-GP

Un auteur omniprésent, jamais indifférent

Une des salles les plus étonnantes est celle qui accueille La Dive Bacbuc, une œuvre circulaire monumentale très colorée dont les parois sont des tentures peintes sur les deux faces. La face interne est cachée au regard et se découvre par des œilletons disposés le long des parois.

La Dive Bacbuc, 1998. Collection particulière, France Photo © Adam Rzepka © Adagp, Paris, 2022 La Croisée des sources, 1999-200Le Masque de chien, 2002.

Tout au long du parcours, nous découvrons des auto portraits comme si Gérard Garouste voulait nous accompagner lui-même dans le dédale de sa pensée. On le retrouve vêtu d’une chemise écarlate un masque de chien sous le bras, en quasimodo dément, en bouffon diabolique… Il nous questionne sans cesse, nous étonne, nous choque mais ne nous laisse jamais indifférent.

Gérard Garouste dans son atelier. (Bertrand Huet Tutti)

L’exposition est ponctuée par un tableau de 2019 représentant un Clown blanc souriant et un Auguste dubitatif coiffé d’un chapeau sur le rebord duquel on peut lire en hébreu la traduction de la phrase de la Genèse « Que la lumière soit. Et la lumière fut ».

Arielle de Sainte-Marie

Infos pratiques

Retrospective Gérard Garouste au Centre Pompidou. Jusqu’au 2 janvier 2023.

Jours et horaires d’exposition: « Gérard Garouste », au Centre Pompidou (Paris), du 7 septembre 2022 au 2 janvier 2023

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