Ensemble, préservons le patrimoine religieux

Augustin Frison-Roche décore Saint-Joseph-le-Bienveillant

Découvrez une interview exclusive de l’artiste

qui aura en charge la mise en beauté

de la nouvelle église en construction

à Voisins-le-Bretonneux (78).

 

Un moment rare et inédit, où l’art et l’âme

entrent en plein cœur d’un chantier.

Embellir le patrimoine religieux

Une des trois missions des Chantiers du Cardinal est l’embellissement des églises. A savoir, soutenir les projets de création d’art sacré et de mobilier liturgique. Ils sont ainsi engagés aux côtés du diocèse de Versailles pour la construction de la future église Saint-Joseph-le-Bienveillant à Montigny-Voisins-Le Bretonneux (78).

Artiste peintre et sculpteur, Augustin Frison-Roche a 36 ans, il est marié et père de quatre enfants. Depuis plus de dix ans, il  consacre la plus grande part de son temps à des projets d’Église en réalisant retables, statues, mobilier liturgique. Il a notamment réalisé pour la cathédrale de Saint-Malo, entre 2020 et 2023, un ensemble de sept tableaux dont un retable monumental.

Quelles sont vos pistes d'inspiration pour St Joseph le Bienveillant ?

« Le mobilier liturgique explorera des rythmes abstraits gravés dans la pierre, qui évoqueront le Ciel sur l’autel, le feu sur l’ambon, l’eau sur la cuve baptismale, tandis que la peinture murale, monumentale et figurative, abordera de nombreux thèmes, de la fuite en Égypte à l’Assomption en passant par le songe de Joseph. Enfin, la croix suspendue montrera sur ses deux faces, le Christ crucifié et le Christ en gloire. Différentes techniques vont donc se côtoyer : la sculpture, la peinture à l’huile sur bois et la peinture murale. »

Pourquoi vous avez accepté ce chantier ?

« J’ai accepté  ce chantier pour trois raisons. La première touche à ma vocation, car c’est ainsi que je vois mon métier et notamment mon travail au service de l’Église. Cette église, construite pour une communauté devenue trop nombreuse, répond à un besoin pastoral évident et encourageant. Pour cette raison d’abord, je suis très heureux d’apporter ma contribution à ce chantier.

La deuxième raison, c’est que cette église marque un tournant. C’est la première église neuve, depuis longtemps, qui laisse une place aussi importante à l’ornementation et à l’image. C’est un projet figuratif qui prend le contrepied d’une démarche minimaliste, omniprésente ces dernières décennies, et retenue quelque soient la situation et l’usage des édifices construits ou aménagés. Je m’en réjouis car une église paroissiale n’est pas un monastère cistercien ou un temple protestant et une assemblée de familles catholiques n’a pas les mêmes attentes ni les mêmes besoins qu’une communauté de Chartreux.

La dernière raison est d’ordre artistique. Ce chantier est un véritable défi sur tous les plans : plusieurs mois de travail sur un échafaudage, la gestion de la taille, du temps, du dessin dans un volume complexe, de la couleur, la gestion d’une équipe également. Je peux compter sur l’expérience de mes précédentes commandes mais tout ici est plus grand, plus difficile, plus risqué. J’aurais pu continuer à faire ce que je sais faire, mais j’ai beaucoup à apprendre de ce chantier et c’est pour cette raison qu’il m’intéresse. »

En quoi une oeuvre d’art éveille la spiritualité ?

« Le travail de l’artiste se résume à réaliser un marchepied, un seuil. C’est tout. Dans le meilleurs des cas, il permet d’ouvrir la porte, mais pas de la franchir. Finalement, l’œuvre n’est pas grand-chose en elle-même. J’aime aussi l’image de l’œuvre « miroir de l’âme ». Un miroir révèle la beauté d’un visage, mais la beauté n’est pas dans le miroir. Face à une œuvre d’art véritable, on se voit entièrement. Parce que l’émotion est à la fois physique, intellectuelle et spirituelle. Une véritable œuvre d’art nous révèle que nous somme tout cela, et c’est pour cette raison que l’on parle d’art sacré. Mais s’il y a quelque chose de sacré dans tout ça, ce n’est pas l’œuvre mais l’épiphanie de l’âme du spectateur. »

Pour celui qui crée, quelle est sa relation avec le spirituel ?

« Cela me paraît évident. Pourtant il est impossible de définir cette relation tant elle est mystérieuse. Qui peut dire qu’il est inspiré ? Je préfère rester prudent. On prête à l’Esprit Saint trop de mauvais tableaux. Les meilleurs tableaux que j’ai réalisés ne correspondent pas nécessairement avec les meilleurs moments de ma vie spirituelle. On me demande souvent si je prie quand je travaille, et la réponse est non. Dans l’icône orthodoxe, par exemple, tout est codifié. On n’a pas de questions à se poser : on écrit l’icône comme on récite un Notre Père. Dans le catholicisme, on attend de l’œuvre religieuse qu’elle soit aussi une œuvre d’art, avec une création, une originalité, une valeur esthétique. Eh bien ça, je ne peux pas le faire en priant ! Quand je peins, je suis dans mon métier d’artiste et je me pose des tas de questions techniques : accorder les couleurs, chercher une harmonie, faire en sorte que la forme s’accorde au fond. C’est plutôt de la réflexion. Avant, oui, je prie pour demander d’être à la hauteur de l’enjeu. Et à la fin, si j’ai vraiment réussi à faire ce que je voulais faire, je prie aussi pour rendre grâce. »

Quelles seront les principales étapes de ce chantier ?

« Je vais commencer début 2024 tout ce qui peut se faire en atelier (la gravure du mobilier en pierre, la peinture de la croix suspendue, le tabernacle puis le travail préparatoire de la peinture murale). Ce qui change pour moi dans ce chantier, c’est que je vais déménager sur place le temps de la réalisation in situ de la peinture de l’abside, en 2025. Je sais quand je vais commencer mais pas vraiment quand je vais terminer. La seule chose qui compte vraiment, c’est le résultat. Je prendrai le temps nécessaire pour qu’il réponde aux différents enjeux de la commande. »

 

Propos recueillis par Véronique TÊTE

A savoir

C’est après l’étude des projets, par un jury associant le vote de paroissiens, qu’Augustin Frison-Roche a été désigné pour la charge de la décoration intérieure de l’église. Il aura à réaliser l’abside, la chapelle de la Vierge, la chapelle du Saint Sacrement, le mobilier liturgique et la croix suspendue. Le mobilier (autel, ambon, sièges) en pierre de Charente, le tabernacle et la croix devant être réalisés avant la consécration de l’église.
Augustin Frison-Roche partageant l’intuition que l’intérieur de cette église ne soit pas l’œuvre d’un seul, c’est l’atelier Saint-Jean Damascène, parmi les quatre finalistes, qui assurera les fresques du baptistère, avec l’idée d’y représenter les saints qui ont donné leur nom aux cloches : St Pierre au Lac, Ste Marie-Madeleine, St Louis, St Martin.

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