Plus les églises se vident, plus elles sont vitales ! C’est un paradoxe mais il s’explique par quatre facteurs : en France, le catholicisme paye cher sa perte de crédibilité par suite de la crise des abus ; marqué par la honte et divisé entre progressistes, classiques, traditionnalistes, le catholicisme n’ose plus dire clairement son identité ; hormis le Pape, l’Eglise ne dispose plus de grandes figures pour la représenter ; enfin, les catholiques vieillissent à vue d’œil. Ces ingrédients marginalisent la religion catholique hors de la scène publique et médiatique.
Mais le christianisme n’a pas dit son dernier mot. L’explosion inattendue des demandes de catéchumènes, le renouveau de la piété populaire, la mobilisation constante, génération après génération de jeunes français aux JMJ, le démontrent. Ce sont les indices d’un phénomène silencieux qui pourrait être une résurgence, certes minoritaire, de la mémoire spirituelle enfouie, du pays profond. Désabusé par la société monétisée, digitalisée et déchirée, beaucoup de gens, éprouvés par une soif existentielle, cherchent.
Face à de telles tempêtes intérieures des phares immobiles demeurent. Ce sont les églises. Elles sont trop vides mais elles sont devenues capitales dans un monde confus. Ces édifices n’ont-ils pas été construits pour nourrir l’Espérance et résister aux pires temps ?
Des centaines d’images de chapelles, d’églises, de cathédrales me viennent à l’esprit car j’ai vécu dix années à Rome et j’ai eu la chance de beaucoup voyager dans le cadre de mon travail. C’est en Terre Sainte qu’une église m’a beaucoup marqué. Elle est construite au bord du Lac de Tibériade, à Tabgha où la « multiplication des pains » aurait eu lieu. Il y a là une harmonie et une paix unique. J’ai été aussi frappé par l’intérieur de la basilique de la Sagrada Familia à Barcelone. Epoustouflantes, ces colonnes vous transportent vers le Ciel. Je trouve également édifiant le dépouillement intérieur de l’abbaye cistercienne d’Acey dans le Jura. L’équilibre parfait des lignes de pierres et des fenêtres voutées ouvrent une sorte de puit vertical de prières.
Sans jouer sur les mots, je dirais que la véritable église est intérieure. L’Eglise idéale ne sort pas de la géniale prouesse d’un architecte mais d’une inspiration où le bâti conduit instantanément à l’intimité avec Dieu. Je pense ici à la remarquable chapelle Saint-Symphorien de l’église Saint-Germain-des-Prés. Pour moi l’église idéale élève l’âme sans dire un mot.