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Chagall, « maître des couleurs », a renouvelé l’art sacré

Peintre reconnu, Marc Chagall était aussi créateur de vitraux, «passeur de lumière»… À l’occasion des 800 ans de la cathédrale, le Centre Pompidou-Metz (qui célèbre aussi ses 10 ans) invite, jusqu’au 30 août 2021, à admirer son œuvre vitrière.

«Le vitrail est exaltant» selon Marc Chagall

Marc Chagall (1887-1985), « maître des couleurs » a renouvelé l’art sacré au mitan du XXe siècle », estime Elia Biezunski, commissaire de l’exposition. Proposé au Centre Pompidou-Metz (en partenariat avec le musée national Marc Chagall de Nice)  jusqu’au 30 août 2021, cet hommage au peintre explore l’importance du vitrail dans l’œuvre de l’artiste. « Le vitrail est exaltant, il lui faut de la gravité, de la passion. Il doit vivre à travers la lumière perçue », s’exclamait le maître des bleus et des rouges.

L’accrochage permet en particulier d’admirer le premier grand cycle de vitraux conçu par le peintre pour la cathédrale Saint-Etienne de Metz à partir de 1956. Au total, quelque 250 œuvres sont exposées. Les vitraux de la chapelle du Saillant, en Corrèze, déposés dans le cadre d’une opération de sécurisation, sont exceptionnellement présentés. En complément, l’exposition propose de découvrir les maquettes de vitraux réalisés pour de nombreux édifices entre 1958 et 1984, dans la région Grand Est (Metz, Reims, Sarrebourg), l’Allemagne voisine (Mayence), le sud de la France (Nice, Voutezac) et à l’étranger (Israël, États-Unis, Angleterre, Suisse).

Afin de mieux apprécier l’inventivité iconographique de Chagall, ses maquettes sont rassemblées et mises en correspondance avec un ensemble de peintures, sculptures, céramiques et dessins préparatoires issus des collections du Centre Pompidou, du musée national Marc Chagall, de musées internationaux et de collections particulières. Ces derniers « aident à comprendre comment cet immense peintre est passé de la peinture à une œuvre de verre en collaboration avec des artisans, des maitres verriers extrêmement talentueux ».

Marc Chagall (en collaboration avec Charles Marq) La rose bleue, œuvre exécutée par l’atelier Simon-Marq, Reims, vitrail d’étude pour la rosace du déambulatoire de la cathédrale de Metz, daté et signé en 1964. Centre national des arts plastiques/Fonds national d’art contemporain. En dépôt au musée national Marc Chagall, Nice © Adagp, Paris 2020. Photographie © RMN-Grand Palais (musée national Marc Chagall)/Adrien Didierjea

La place centrale de la Bible

Ce lumineux accrochage suit un fil chronologique. Il éclaire l’histoire de chaque commande, dans le contexte de la reconstruction et d’un renouveau de l’art sacré après la Seconde Guerre mondiale. « Dans ses œuvres, précise la commissaire de l’exposition, Chagall s’est confronté à l’échelle monumentale de l’architecture et souhaité toucher un large public. Elles offrent également à l’artiste un cadre privilégié pour déployer sa vision de la Bible qui occupe une place centrale dans son œuvre et qu’il considère non pas comme un dogme mais comme « la plus grande source de poésie de tous les temps ».

[ÉCOUTER] Le podcast des Bernardins sur la spiritualité de Chagall

La toute première commande a été réalisée pour l’église Notre-Dame-de-Toute-Grâce sur le Plateau d’Assy en Haute-Savoie, consacrée en 1950. Le projet est initié par le père dominicain Marie-Alain Couturier, grand défenseur du renouvellement de l’art sacré en France. Il lui confie la décoration du baptistère. Chagall y travaille jusqu’en 1957, et y réalise ses premiers vitraux avec le peintre-verrier Paul Bony. Petits et peu colorés, les vitraux sont mis en résonnance avec une très grande céramique murale, une traversée de la mer Rouge. On découvre la très grande liberté avec laquelle Chagall travaillait à partir de la demande du commanditaire. Aux côtés des personnages de la Bible, Moïse, l’ange, les Égyptiens, il place des figures sorties de son imaginaire : un Juif errant, un joueur de lyre, un Christ en croix…

Entrepris dans la dernière période de sa carrière, ces vitraux sur la vie du peintre qui a façonné son imaginaire : Vitebsk, sa ville natale, où résonnent le yiddish, les histoires de la Bible et, au loin, les chants orthodoxes entonnés dans le miroitement des icônes ; mais aussi la fragmentation des formes cubistes et le flamboiement des couleurs du fauvisme. « Il a été parfois considéré comme un marginal », relève Elia Biezunski, car il s’est « nourri autant des couleurs du fauvisme que des couleurs des gravures populaires russes de son enfance ».

Marc Chagall , La Crucifixion en jaune (Titre attribué : Crucifixion jaune 194) Huile sur toile de lin. Centre Pompidou, musée national d’art moderne © Adagp, Paris 2019 Photo Centre Pompidou, MNAM-CCI, Dist. RMN-Grand Palais / Philippe Migeat

Mystère de la création

Les nombreuses esquisses préparatoires réalisées par Chagall au cours de trois décennies mettent en évidence le long processus de création des vitraux, résultat de l’association du talent du peintre au savoir-faire de Charles Marq et Brigitte Simon, douzième génération de maîtres-verriers héritiers d’un atelier créé à Reims au XVIIe siècle. On passe ainsi par les différentes étapes de fabrication : esquisses, maquettes prises en photo pour permettre la réalisation de cartons à l’échelle réelle. « Ainsi, explique Michel Pierret chef d’atelier dans les années soixante, Charles Marq dessinait au fusain les traits de plomb. Chagall venait ensuite passer sa peinture travaillant par touches. Au fur et à mesure, le dessin évoluait ». Une série d’émouvantes photos en noir et blanc évoque cette complicité entre le peintre et ses maîtres verriers ainsi que le climat de confiance dans lequel ils travaillaient.

Dans un touchant témoignage, Meret Meyer, la petite-fille de Chagall rappelle son émotion devant les œuvres de son grand-père. « Nous sommes confrontés au mystère de la création de cet artiste qui n’avait pas fait d’études [ou très peu , NDLR], comment il mesurait la lumière à chaque heure du jour, intégrait la couleur de la pierre, modulait les tonalités pour faire ressortir les figures pour créer un dialogue entre les formes et celui qui entre dans l’édifice ». « Ces vitraux ont une modernité, une actualité sidérante », conclut-elle.

Informations pratiques

Centre Pompidou-Metz
1, parvis des Droits-de-l’Homme
57000 Metz
Tél : +33 (0)3 87 15 39 39

Exposition jusqu’au 30 août 2021, galerie 3.

Informations et réservations des billets sur https://www.centrepompidou-metz.fr/chagall-le-passeur-de-lumi-re

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