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A la découverte d’un des derniers mouleurs d’art, l’atelier Lorenzi

Visite guidée avec le propriétaire d’un lieu chargé d’histoire, l’atelier de moulages Lorenzi. Situé à Arcueil (94) tout proche de la station de RER Laplace, il recèle environ 3 000 moules. Une boutique propose de découvrir quelques-unes des 1 600 références de son catalogue.

 

De la Toscane à Paris, un atelier fondé en 1871

Avez-vous jamais rêvé de vous offrir un moulage d’art en plâtre patiné du buste de l’ange au sourire de la cathédrale de Reims ? C’est possible, moyennant 330 euros. Cette tête de 31 cm de haut, répertoriée 0435, fait partie des 1 600 pièces référencées au catalogue de l’Atelier Lorenzi.

Les statues antiques côtoient anges, écorchés et bustes d’hommes célèbres. Plus de 1600 références existent dans le catalogue (ASM/CDC)

Fondée en 1871 d’abord en Toscane puis à Paris par Michel Lorenzi, la Maison Lorenzi est tout proche de la Vache noire à Arcueil, dans le Val de Marne. Éric Nadeau, son propriétaire et directeur actuel, est architecte paysagiste de parcs d’attraction. Après avoir travaillé pendant vingt ans avec l’ancien chef d’atelier, dessinant des reproductions de structures architecturales : corniches, arches, bandeaux et même rochers…, il a eu l’opportunité – en 2019 – de reprendre les rênes de l’entreprise. Fasciné par le trésor qui s’y était accumulé depuis 150 ans, il a ainsi pérennisé l’un des derniers représentants de ces grands ateliers statuaires du XIXe siècle.

La boutique côtoie l’atelier Lorenzi. Le bâtiment n’a guère bougé depuis sa construction. (ASM/CDC)

Une collection unique de moules

Passée la cour ombragée par deux platanes, on pénètre dans une suite de bâtiments qui n’ont pas connus beaucoup de travaux de restauration depuis leur construction en 1891. Précédé par le maître des lieux, on gravit un escalier qui amène à une enfilade de pièces. Dans la première salle, sur des étagères encombrées et poussiéreuses placées le long des murs, se côtoient moules en plâtre dits à bon creux – appelés ainsi car ils peuvent être utilisés plusieurs fois – et bustes de toutes sortes. Le visiteur ébahi se faufile entre une statue antique et un ange aux ailes repliées. « Notre catalogue est extrêmement varié, précise Éric Nadeau. Vous y trouverez aussi bien une reproduction d’une statue de l’Égypte ancienne remontant au IVe siècle avant J-C que l’Ours de Pompon, œuvre tombée dans le domaine public en 2003, soixante-dix ans après la mort du sculpteur. »

Cet ange fait partie des 1600 références du catalogue des ateliers Lorenzi. (ASM/CDC)

Sur les planches en bois, blanchies par le plâtre, on repère le sourire de Voltaire, le buste de Benjamin Franklin ou celui de Diderot, réplique de l’œuvre originale de Jean-Antoine Houdon. La tête de la Négresse captive de Carpeaux est, elle, dépourvue de cheveux… « Il serait trop délicat de mouler l’ensemble de la pièce en une seule opération, la chevelure sera donc réalisée dans un 2e temps. », poursuit le propriétaire, vêtu d’une veste d’artisan en toile bleue. Les chapiteaux et les rosaces s’affichent également le long des murs surplombant les figures religieuses. Pourtant, peu de commandes émanent de l’Église. « Elle n’a pas d’argent ! » regrette Éric Nadeau.

Éric Nadeau, des ateliers Lorenzi à Arcueil. (ASM/CDC)

Des puzzles en trois dimensions

Le long d’un autre mur, sont entreposés les moules soigneusement dénommés et numérotés à l’encre rouge ou noire : Femme inconnue, n°405. Une collection unique qui continue de s’agrandir. « Vous avez devant vous des puzzles en trois dimensions. Certains sont composés simplement de deux pièces, d’autres comme cette Diane chasseresse, peuvent être riches de quinze pièces voir de deux-cents pièces comme ce petit cheval du XIXe siècle, un vrai casse-tête pour le mouleur qui l’assemblera ! » Celui de l’ange, qui était situé au sommet de la chapelle du château du Lude, est composé de six pièces : deux pour le corps, deux pour les mains et deux pour les ailes. Cette girouette en cuivre du Moyen-Âge avait été déplacée au musée de Cluny au milieu du XIXe, puis vendue à la Frick collection de New-York. On peut désormais en obtenir une reproduction !

Environ 3000 moules scrupuleusement dénommés et numérotés constituent une collection privée unique. (AC/CDC)

La technique du moule à bon creux (ou moule à pièces), qui a connu un grand développement à La Renaissance, n’est pas la seule employée à l’atelier. « Vers 1830, a été inventée un autre procédé grâce à l’usage de la gélatine, souligne le directeur. À l’époque, pour obtenir cette matière souple qui épouse parfaitement les formes, on faisait bouillir des os d’animaux et de la peau de lapin, puis on ajoutait à cette réduction du formol. Vous imaginez l’odeur épouvantable qui s’en dégageait ! Aujourd’hui on emploie du silicone, comme pour les moules à gâteaux. Plusieurs couches de cette matière sont passées au pinceau pour obtenir une épaisseur d’environ 2 cm. Pour donner une meilleure rigidité à ce silicone, on le renforce de chapes de plâtre ». Ces moules donneront naissance à des moulages d’art en plâtre ou en résine.

Face à cette caverne d’Ali Baba, s’ouvre un vaste atelier largement éclairé. Une apprentie et une mouleuse statuaire, Perrine Sastre Miralles, s’activent. « Extraites de leur moule, les reproductions nécessitent une finition. C’est la partie la plus délicate du travail. Il faut gommer les imperfections, les traces laissées par des bulles et lever les coutures provoquées par l’assemblage des pièces du moule », précise Perrine Sastre Miralles. « Chaque pièce obtenue est légèrement différente s’apparentant plus à une édition qu’une reproduction parfaite », complète Éric Nadeau.

Perrine Sastre Miralles, mouleuse statuaire, peaufine chaque pièce. (AF/CDC)

Perrine Sastre Miralles, mouleuse statuaire, peaufine chaque pièce. (AC/CDC)

Les techniques ne cessent d’évoluer. Le directeur a donc développé un atelier d’impression 3D. Ce sont des robots qui travaillent la résine. « Grâce à cette nouvelle technique, je peux recréer la surface de la Lune à partir de données exactes », s’enthousiasme-t-il.

La pièce des masques mortuaires

Au sous-sol, on pénètre enfin dans la pièce des masques. Au plafond sont suspendus les visages de Lino Ventura, de Paul Verlaine, de Chopin ou d’André Citroën. Mais un des masques mortuaires le plus demandé est celui d’une inconnue : la Noyée de la Seine, au sourire énigmatique, muse d’André Breton et d’Apollinaire. Si le cœur vous en dit, l’Atelier peut également vous réaliser un masque de votre vivant. Éric Nadeau l’a fait récemment sur une artiste hollandaise pour les besoins d’un documentaire sur Elsa von Freytag-Loringhoven, l’excentrique égérie du mouvement Dada qui en aurait elle-même commandé un de son propre visage.

Arielle de Sainte Marie

Groupe statuaire proposé par les ateliers de moulage Lorenzi. (AC/CDC)

Informations pratiques

Atelier Lorenzi

60, avenue Laplace – 94110 Arcueil

Tèl. 01 47 35 37 54

https://www.atelierlorenzi.com/boutique

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