Aménager Notre-Dame pour évangéliser
Affectataire de la cathédrale de Paris, le diocèse doit faire face à un double enjeu : comment faire vivre un lieu de culte et un monument historique ? Et comment rassembler au même endroit, parfois au même moment, les fidèles et les visiteurs sans que les uns excluent les autres ? Car inviter chacun à entrer dans l’un des monuments les plus célèbres de la capitale, c’est déjà, pour le diocèse, proposer une démarche d’évangélisation.
Intérieur de la cathédrale Notre-Dame de Paris en 2018. (Crédit MC Bertin ADP)
L’incendie du 15 avril 2019 et les dégâts provoqués par le feu et l’eau, obligent à une réflexion complète sur l’aménagement intérieur de la cathédrale. Après plusieurs rencontres et réunions de travail avec les représentants de l’État (propriétaire de l’édifice), le diocèse présente son projet d’aménagement aux catholiques parisiens dans une série de rencontres. Animées par Mgr Éric Aumonier, évêque émérite de Versailles et représentant du diocèse pour le chantier de restauration, le père Gilles Drouin, délégué du diocèse pour le projet d’aménagement intérieur, et le père Henry de Villefranche, chapelain à Notre-Dame, elles se dérouleront jusqu’à la fin du mois de mai 2022. D’autres cycles sont prévus dans les mois suivants, jusqu’à la réouverture complète du bâtiment.
« Cette restauration est l’occasion pour le presbyterium et les fidèles de s’intéresser à ce projet et de se réapproprier leur propre cathédrale» (père Henry de Villefranche)
L’axe central et liturgique
La première partie du projet proposé par le diocèse se concentre sur la nef, avec la mise en valeur de l’orientation liturgique. De l’entrée – désormais par le portail central – jusqu’au tabernacle en passant par un baptistère, l’ambon et l’autel, le regard sera porté dans cet axe, le mobilier liturgique appuyant ce propos. Un travail sur la lumière est actuellement en cours afin que celle-ci porte les fidèles au cours de la liturgie et ne se limite pas à un seul éclairage des voûtes, de l’autel et du chœur.
Le diocèse de Paris propose de faire entrer le public par le portail central de Notre-Dame et non le portail Sud. (Ici vue en 2015) (Crédit Y Boschat ADP)
Déjà possible avant l’incendie, la visite de la cathédrale pendant les offices sera maintenue. Si le bruissement des visiteurs naviguant dans les travées a pu gêner certains fidèles, cette présence reste importante. Comme le dit le père de Villefranche. « Quand je célébrais à Notre-Dame le dimanche, il y avait un millier de personnes dans la nef et autant qui tournaient autour. Or la messe est célébrée… pour tout le monde. C’est d’ailleurs ce que l’on dit au moment de la consécration et c’est un point du discours du pape Benoit XVI lors de sa visite aux Bernardins en 2008 ! »
Pèlerinage à Notre-Dame
Et pour ces visiteurs, pas forcément croyants, comme pour les fidèles, qui entreront à Notre-Dame après 2024, le diocèse de Paris souhaite proposer un chemin de pèlerinage. Déambulant ainsi le long des travées, en commençant par le côté Nord pour rejoindre le transept puis l’arrière du chœur où se trouve la couronne d’épines puis la travée côté Sud, le visiteur suivra un parcours lui permettant de s’arrêter pour la prière le long des chapelles qui évoqueront l’histoire du Salut et la mission de l’Église à travers des œuvres installées dans les chapelles latérales. Les tableaux ou sculptures de la cathédrale constitueront des points d’appui précieux pour cela. Sur l’installation précises de celles-ci ou encore de l’emplacement des célèbres Mays (tableaux réalisés à la demande des orfèvres parisiens et qui ornaient la nef) la réflexion se poursuit.
La cathédrale doit faciliter la prière et l’accès au sacrement de réconciliation. C’est la raison pour laquelle des lieux spécifiques à l’intérieur de Notre-Dame seront réservés à la prière silencieuse et au dialogue avec un prêtre. Mais le diocèse réfléchit aussi dans son projet à proposer une station au pied du crucifix ou de la pietà du chœur.
Poursuivre 800 ans d’histoire
Bien que veillant sur Paris depuis plus de 800 ans, Notre-Dame n’est pas une cathédrale figée. Le diocèse entend bien « continuer l’histoire ». C’est le troisième aspect du projet présenté. D’où une réflexion en cours sur l’intérieur des douze chapelles latérales et la création d’un mobilier liturgique spécifique en remplacement du mobilier précedent, détruit ou endommagé pendant l’incendie. Il s’agit bien sûr de l’autel, de l’ambon et des assises (siège du célébrant et des fidèles).
L’aménagement voulu par Mgr Jean-Marie Lustiger (archevêque de Paris entre 1981 et 2005) n’avait pas été modifié depuis sa création. Notre-Dame par exemple, devra retrouver une cathèdre (siège de l’évêque dans une cathédrale).
Aménagement du chœur de Notre-Dame avant l’incendie. (Crédit Y Boschat ADP)
Alors que la reconstruction de la cathédrale commence à peine, l’avancement du dossier sur l’aménagement intérieur connaît une nouvelle étape. L’arrivée d’un nouvel archevêque, Mgr Laurent Ulrich, nommé le 26 avril 2022 par le pape François, la poursuite du dialogue avec les représentants de l’État, y apporteront sans doute des modifications.
Valérie-Anne Maitre
