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Réouverture de Cluny: le musée du Moyen-Âge entre dans la modernité

Depuis le 12 mai 2022, le musée de Cluny à Paris accueille à nouveau les visiteurs et propose un parcours rénové. Le chantier, entamé en 2011, rend accessible l’ensemble des espaces aux personnes à mobilité réduite. L’un des plus anciens musées de la capitale entre pleinement dans le XXIe siècle.

Cluny entre dans le XXIe siècle

C’est ici que se côtoient la Dame à la Licorne, le bel Adam de Notre-Dame de Paris, les apôtres de la Sainte-Chapelle, la rose d’or de la cathédrale de Bâle (Suisse) ou encore l’épitaphe de Nicolas Flamel. Au cœur de Paris, le musée de Cluny raconte un millénaire d’histoire : celle du Moyen-Âge. Une institution historique, ouverte pour la première fois au public en 1844.

Au fil des XIXe et XXe siècles, la présentation des collections du Musée National du Moyen-Âge (son nom officiel) avait déjà été remaniée. Mais il fallait un chantier d’envergure pour faire entrer Cluny dans le XXIe siècle. Un projet lancé en 2011 et réalisé en plusieurs phases, certaines nécessitant même la fermeture au public, comme en 2018 pour la construction du bâtiment d’accueil. Après deux années pour achever les travaux et réinstaller les œuvres, les portes sont ouvertes depuis le 12 mai 2022.

cluny

Cette salle, jusque là utilisée par les services techniques, expose désormais une partie de la collection du musée. (CDC)

L’État – via le Ministère de la culture – a financé ce chantier de près de 23 millions d’euros, dont 13 millions d’euros rien que pour la phase qui vient de s’achever : la rénovation intérieure et la refonte du parcours. Le bâtiment d’accueil dessiné par l’architecte Bernard Desmoulin a couté 7,6 millions d’euros. En plus d’une nouvelle entrée, d’une boutique et d’un café, il abrite des locaux techniques, dégageant ainsi des pièces historiques dans le bâtiment du XVe siècle. Le musée a financé une partie du chantier sur ses ressources propres (6 millions d’euros).

Inauguré en 2018, le bâtiment d’accueil est l’œuvre de l’architecte Bernard Desmoulins. Il marque désormais l’entrée du musée de Cluny. (CDC)

Une visite chronologique

« Songez que le parcours de visite datait des années 1950, indique Séverine Lepape, directrice du musée. La présentation était faite par métiers et par techniques. » Avec un nombre croissant de pièces, le musée compte aujourd’hui près de 24 000 œuvres, il fallait revoir cette muséographie datée et finalement moins accessible à un public plus jeune. Désormais, Cluny se découvre dans le temps : le Moyen-Âge se déroule au fil des 21 salles d’expositions. De temps à autre, le visiteur est invité à découvrir un aspect en particulier : le travail de l’émail, la vie quotidienne ou la spécificité de la sculpture parisienne…

Le patient travail des conservateurs sur la muséographie met en lumière les œuvres sous un angle nouveau. Il permet aussi de belles découvertes ! Ainsi, une statue de prophète retrouve son origine grâce à un fragment découvert au pied de la tour Saint-Jacques à Paris. Après analyse, la statue et le fragment proviennent du même portail, celui de l’église Saint-Jacques de la Boucherie (dont seule la tour subsiste aujourd’hui, rue de Rivoli). Grâce au travail de restauration le prophète a même retrouvé son nom : Isaïe.

CDC

Le prophète Isaïe, issue du portail de l’église Saint-Jacques de la Boucherie à Paris. (CDC)

Un peu plus loin, les apôtres de la Sainte-Chapelle ont également fait l’objet d’un petit lifting : les têtes posées de façon raide sur les corps ont été reprises pour trouver le positionnement d’origine. « On réalise que les apôtres ne regardaient pas droit devant eux mais posaient les yeux sur les fidèles, raconte Damien Berné, conservateur en chef au musée. On voit aussi que chaque apôtre tourne légèrement la tête vers son voisin. » Chaque statue (400 kg pièce) a été réinstallée et débarrassée d’un socle encombrant. Au passage, saint Jean a même retrouvé un pied, dormant jusque-là dans une réserve.

Apotres de la Sainte-Chapelle

Les apôtres de la Sainte-Chapelle sont exposés dans une salle entièrement dédiée à l’édifice.  (CDC)

Un musée plus accessible

Vitrines, banquettes (socles où sont installées les statues), cartels, lumière… tout a été conçu spécialement pour rendre la visite fluide et surtout plus lisible. Une grande partie des fenêtres de l’hôtel de Cluny sont désormais ouvertes et laissent entrer la lumière. C’est l’occasion, au fil de la déambulation, de voir le jardin au dehors. Des ouvertures habilement placées offrent même depuis le premier étage, un point de vue inattendu sur les fragments de la cathédrale Notre-Dame dans la salle du même nom au rez-de-chaussée. C’est d’ailleurs – avec la salle de la tapisserie de la Dame à la licorne – le seul lieu du musée qui n’a pas été touché par la rénovation.

salle des albatres cluny

Dans la salle des albâtre, la muséographie permet une certaine proximité avec les œuvres. (CDC)

Mais passer du niveau -1, celui du frigidarium (salle d’eau froide dans les thermes antiques) à la chapelle de l’abbé située au 1er étage n’avait rien de simple pour un visiteur au pied un peu moins alerte. La singularité du musée, cet enchâssement de vestiges antiques dans un bâtiment du XVe remanié au fil des siècles, rendait le parcours difficile. Aux escaliers s’ajoutaient quelques 70 ruptures de niveaux entre les salles ! L’un des premiers objectifs du chantier de rénovation portait sur l’accessibilité. Aujourd’hui, bien qu’il soit « l’un des plus anciens musées de Paris, celui de Cluny est entièrement accessible aux personnes à mobilité réduite. Leur visite s’effectue dans le même sens que celle des personnes valides. » souligne Damien Berné. Et cela grâce aux trois ascenseurs et deux monte-personnes réparties dans tout l’édifice.

Rendre un musée accessible à tous, c’est aussi penser à la hauteur des vitrines dans lesquelles les œuvres sont exposées. À Cluny, les plus jeunes n’auront pas à se percher sur la pointe des pieds pour découvrir les coffrets émaillés, les pièces d’ivoire ou encore les couronnes du trésor de Guarrazar. De même, les statues sont exposées sans vitres dans les salles, le visiteur est même invité à en faire le tour. « Cette proximité entre les visiteurs et les œuvres était l’une des particularités du musée de Cluny, précise Damien Berné, nous avons tenu à la conserver. »

Devant d'autel de la cathédrale de Bâle

Damien Berné, conservateur en chef du musée de Cluny, ici avec le devant d’autel de la cathédrale de Bâle, une des pièces de la collection mise en valeur par la nouvelle présentation. (CDC)

Développer l'offre de visites

Avec ce chantier, une phase importante des travaux s’achève, mais l’aventure ne s’arrête pas là. Il y a d’abord la couverture des vestiges antiques. Plusieurs fois évoquée au cours des dernières années, cette protection de ce qui reste des thermes de Lutèce, bâtis au 1er siècle, est indispensable aux yeux de la directrice du musée. « Pour le moment les vestiges sont exposés aux intempéries et à la pollution. » regrette Séverine Lepape. Le ravalement des murs extérieurs est aussi au programme. À l’extérieur, puisqu’il est désormais visible depuis les fenêtres, c’est aussi vers le jardin de l’hôtel de Cluny que se tournent les regards. Il est prévu un réaménagement dans les prochaines années.

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Expositions de retables dans la dernière salle du parcours. À droite, le Christ des Rameaux, sculpture sur roulettes portée en procession. (CDC)

En attendant, le musée développe ses outils destinés au public et notamment au jeune public. En plus des ateliers et visites spécialement dédiés aux enfants et adolescents, une application est en cours de réalisation avec le magicien Eric Antoine,  pour découvrir Cluny de façon plus interactive. Les plus grands se voient proposer des visites chantées ou dansées, des concerts et autres installations sonores afin de compléter une offre culturelle plus classique.

Dans la salle Notre-Dame, une table tactile invite le visiteur à regarder en détail les fragments exposés et en quelques clics de les situer sur la façade de la cathédrale de Paris. Cet outil ludique enrichissant la visite a été offert par les Amis du musée de Cluny.

Valérie-Anne Maitre
La salle Notre-Dame

Fragments issus de la façade de la cathédrale Notre-Dame de Paris. Le chantier de rénovation n’a pas modifié la présentation des œuvres dans cette salle. (CDC)

Informations pratiques

Musée de Cluny – Musée National du Moyen-Âge

28 rue du Sommerard, 75005 Paris

Ouvert depuis le 12 mai 2022, tous les jours sauf lundi (9h30-18h15), nocturnes les 1er et 3e jeudis du mois de 18h15 à 21h.

Expositions temporaires :

  • Musée de Cluny, histoire d’architecture (12 mai 2022 – 22 septembre 2022)
  • Les arts à Toulouse au XIVe siècle (18 octobre 2022 – 20 janvier 2023)
  • Nouvelles acquisitions depuis 2017 (18 octobre 2022 – mars 2023)

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