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« Les églises sont des lieux assez uniques »

Après le concert donné en l’église Saint-Louis à Vincennes (94), Tanguy de Williencourt partage ses impressions. Habitué des plus grandes scènes d’Europe, le jeune concertiste, aujourd’hui chef de chant à l’opéra de Paris, aime aussi jouer dans les églises, des lieux inspirants et propices à la musique.

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– Que saviez-vous de la mission des Chantiers du Cardinal avant de donner ce concert le 1er décembre ?

Je connais les Chantiers du Cardinal par l’intermédiaire de leur directeur général, Jérôme Tolot. Il l’a rappelé lors de cette soirée : on construit encore des églises en région parisienne. C’est fabuleux car dans l’inconscient collectif, on s’imagine que tout va bien, on a toutes nos églises en France…  L’un des quatre projets financés par les Chantiers du Cardinal m’intéresse particulièrement : la future église Saint-Colomban au Val d’Europe (77). C’est un projet incroyable !

Tanguy de Williencourt

Au programme du concert donné par Tanguy de Williencourt: Schubert, Beethoven ou encore César Franck (CDC)

– Comment avez-vous préparé la programmation de cette soirée de concert ?

La mission des Chantiers du Cardinal est magnifique, il me tenait à cœur de prendre part à cet évènement. Pour ce concert, j’ai choisi des œuvres un peu larges dans l’écriture, qui s’intègrent bien à l’acoustique et la réverbération d’une église. La programmation s’est faite avec des œuvres très connues et accessibles, telle la Sonate au Clair de Lune de Beethoven. C’est d’ailleurs une bonne entrée pour un concert. J’ai aussi choisi de faire découvrir des morceaux moins connus comme le Prélude, chorale et fugue de César Franck. Comme je l’ai rappelé pendant le concert, ce compositeur a écrit des œuvres religieuses, il a tenu l’orgue de Sainte-Clothilde. Sa vie spirituelle était importante, cela se ressent dans sa musique. Enfin, ce prélude a une dimension de cathédrale ! César Franck avait un désir de grande architecture dans sa musique, ce morceau était assez approprié pour jouer dans cette église. Dans le reste du programme, il y avait aussi La cathédrale engloutie de Debussy.

– Vous consacrez votre dernier album à César Franck, un compositeur moins connu du grand public? 

– Je l’ai découvert à 11 ans, grâce à un disque de mon père. C’est à la fois une musique très passionnée, très tumultueuse, très expressive, enflammé… En même temps, il y a cette spiritualité qu’on ressent vraiment, cette dimension assez fervente dans sa musique. En 2022, on fête le bicentenaire de sa naissance, César Franck est né en 1822. C’était le bon moment et la bonne occasion pour lui rendre hommage.

– Connaissiez-vous l’église Saint-Louis à Vincennes ?

– Non. Je n’étais pas encore venu. C’est une église du début du XXe siècle, cela aurait pu être beaucoup plus sec comme acoustique mais ce n’était pas le cas. C’est une église magnifique, de par sa forme, presque comme un seul bloc. Elle a un côté très imposant. Le  volume est complètement  immense et les vitraux sont superbes. Elle le sera encore plus une fois que les fresques seront restaurées, il y aura un éclat fabuleux. C’est un lieu inspirant.  Le père Arnaud Bonnassies (curé de la paroisse) l’avait souligné avant le concert : il faut se laisser imprégner à la fois par la musique mais aussi par ce que l’on voit, regarder ces fresques. Je trouve que la musique peut aider à s’évader visuellement et inversement, le visuel peut inviter à l’écoute intérieure. Même pour moi, par moment, j’ai levé la tête pendant le concert, je me laissais absorber par les fresques.

Tanguy de Williencourt

Le pianiste Tanguy de Williencourt a interprété des morceaux du compositeur César Franck, auquel il consacre son dernier album. (CDC)

– Jouer dans une église est peut-être différent d’une salle de concert ?  

– Les églises sont toujours des lieux assez uniques. Chacune a sa propre énergie. Pour le public aussi, c’est toujours à part. Une salle de concert est bien pour l’acoustique, mais parfois cela peut être un peu plus froid. Une église est un lieu qui a déjà une force en elle-même. Cela se prête bien au concert et quand les prêtres sont ouverts à proposer de la musique classique, c’est une chance quoi de pouvoir mêler l’art à la spiritualité. Nous avons, en France, de magnifiques églises.

–  À Paris, y a-t-il une église qui vous marque plus particulièrement ?  

–  Oui, récemment j’ai découvert l’église Saint-Louis-Saint-Paul (4e arrondissement), elle a une façade superbe.  Entrer dans les églises, c’est un peu un réflexe, encore plus à Paris où tout va à toute allure, les gens sont stressés… Les seuls lieux avec un peu de calme, où l’on peut faire redescendre la pression et avoir des moments pour soi ce sont dans églises. En dehors des célébrations, elles sont assez peu remplies, on y vit des moments encore plus privilégiés, quelques personnes seulement sont présentes pour prier ou prendre un petit moment au calme. Ce sont des temps où l’on peut retourner en soi faire le grand vide. Et puis il y a un silence dans les églises ! Le silence, c’est l’une des plus belles musiques quand même.

– C’est amusant pour un musicien de parler du silence des églises ! 

– Mais la musique commence toujours par le silence ! Les églises sont des lieux magnifiquement silencieux. Lorsqu’on est croyant cela fait entrer en résonnance beaucoup de choses. Je voyage beaucoup avec les concerts, mais dès que je peux j’entre dans une église. Je profite du moment la répétition et le concert. Il y a quelques semaines, j’étais à Gand (Belgique) et la cathédrale Saint-Bavon me touche également, elle abrite le Retable de l’agneau mystique des Frères Van Eyck, un chef d’œuvre.

– En plus de votre métier de concertiste, vous travaillez depuis aout 2022 à l’Opéra de Paris. En quoi consiste votre rôle ?

– Je suis l’un des six chefs de chants de l’Opéra. C’est un métier de l’ombre. Il s’agit de faire travailler les solistes en vue du rôle qu’ils vont chanter. Il faut être très à l’écoute des chanteurs. Mais je m’occupe aussi de toutes les répétitions, avec le metteur en scène et le chef d’orchestre : je joue tout l’opéra, on appelle cela une réduction d’orchestre, comme un arrangement pour piano mais de l’opéra. Je suis vraiment le lien entre le chef et les chanteurs. Cela me passionne beaucoup car il y a un travail d’équipe, on est dans les coulisses, on voit les décors, les machinistes… c’est une maison qui grouille d’énergie. Je vais commencer Tristan et Isolde, de Wagner. Et je vais faire Carmen, en janvier. C’est une autre manière de jouer du piano et donc très complémentaire de ce que je fais en concert. Mais j’aime beaucoup les concerts, c’est ce que je préfère car c’est un espace de partage. Je ne connais pas beaucoup d’endroits où finalement un public se tait pendant une heure et me laisse parler avec un instrument pour exprimer des choses, transmettre des émotions ou des pensées…

Tanguy de Williencourt

Lors du concert, Tanguy de Williencourt a pris le temps d’expliquer les œuvres jouées et d’échanger ensuite avec les spectateurs. (CDC)

–   Après le concert donné pour les Chantiers du Cardinal, vous avez échangé avec plusieurs spectateurs…

– J’aime beaucoup jouer pour un petit public, c’est encore plus privilégié. Ce soir-là, il y a eu un temps offert pour partager un chocolat ensemble, cela donne l’occasion de parler avec les gens. J’ai l’impression qu’ils ont vécu un beau moment.

– Quels sont vos prochains projets dans les mois à venir ?  

– J’ai enregistré un album autour de la musique française, il sortira à l’automne prochain avec un ami de longue date, le violoncelliste Bruno Philippe. Et je suis invité à jouer avec un grand Opéra européen.

Plus d'informations

César Franck, Les Djinns, variations symphoniques, triptyques pour piano.

Tanguy De Williencourt (piano)  Flanders Symphony Orchestra, Kristiina Poska (direction)

Label Mirare

Mai 2022

 

Disques

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