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«Le chantier de Saint-Louis de Vincennes, une aventure humaine»

Pendant 18 mois, Paul Guillaumat, a suivi bénévolement les deux premières phases de rénovation de l’église Saint-Louis à Vincennes (94). Alors que le chantier va se poursuivre à l’intérieur, il fait le point sur les travaux déjà réalisés. Ceux-ci ont rendu la toiture complètement étanche à la pluie. La restauration des fresques de Maurice Denis commencera, elle, en 2023.

L'église est étanche

– Les échafaudages ont été enlevés le long des murs de l’église, qu’est-ce cela signifie dans le calendrier des travaux ?

– Ils sont ôtés depuis le début du mois de juillet 2022. Cela marque la fin de la phase 2 des travaux qui couvrait toute l’enveloppe extérieure de l’église. Elle a été traitée de haut en bas, du campanile jusqu’au trottoir. Pendant ces 18 mois, on a révisé toutes les toitures et revu les évacuations d’eau pluviales. Celles-ci avaient d’ailleurs déjà été modifiées dans les années 1990, avec le soutien des Chantiers du Cardinal. Aujourd’hui, il s’agit de retrouver le dessin initial de la toiture mais surtout d’avoir des canalisations suffisantes pour accueillir des pluies plus importantes, du fait du réchauffement climatique. On a aussi restauré les verrières : celles de la lanterne centrale, celles derrière l’autel et celles des murs Nord et Sud. On a repeint les portes, revu les ferronneries, la croix sur la lanterne et le campanile… Les murs extérieurs ont été nettoyés. Ainsi au soleil levant, la pierre meulière qui était complètement encrassée, prend désormais une teinte blonde très jolie.  De l’extérieur, l’église est comme neuve !

Entre 2021 et 2022, les façades de pierres meulières et de briques ont été nettoyées pour rendre tout son éclat à l’église Saint-Louis de Vincennes. (GF/CDC)

– Sur quoi portent les travaux désormais ?

– On va pouvoir s’attaquer à la suite : cela concerne tout l’intérieur de l’église, maintenant qu’elle est étanche ! C’était la condition sine qua none, il n’était pas question de restaurer les peintures s’il continuait à y avoir des infiltrations. Il s’agit essentiellement de la réfection de tous les crépis et tous les décors peints.  L’église reçoit toujours des fidèles, on va travailler en trois phases successives : le bas-côté droit (Sud) puis le gauche (Nord). On garde la partie centrale pour la fin des travaux, y compris d’ailleurs le chœur. Il y aura la reprise des peintures, des crépis, ainsi que la mise à nu du système électrique. Il est constitué de strates successives apparentes, ce n’est pas esthétique, il faut le remettre aux normes. On va essayer de remettre l’éclairage initial, constitué de lustres annulaires. On souhaite un système qui éclaire les fidèles et les œuvres d’art, si on est en ambiance culturelle, c’est-à-dire un système qui permette différents scenarii en jouant avec des spots et leds… Il faut que les lustres permettent de voir, mais sans cacher les peintures. On a fait des simulations. Il y avait aussi un choix stratégique à faire car à l’origine il y avait 16 lustres, on a décidé d’en garder quatre, un dans chaque coin de l’église.

– Ces lustres existent-ils encore ?

– Non, on va les faire réaliser ! Les précédents ont été enlevés au début des années 1970, au même moment que la table de communion. On voit ces lustres sur ces photographies d’époque, mais ce système d’éclairage ne devait pas convenir complètement parce que Joseph Marrast [l’un des deux architectes de l’église] l’a modifié deux fois jusqu’à sa mort en 1970. Cela montre qu’il n’était pas satisfait.

Sur ce cliché de 1946, les lustres d’origine sont visibles dans la nef et le chœur. (Archives CDC)

Début des travaux intérieurs en 2023

– Quand ces travaux commenceront ils ?

– Un dossier de consultation des entreprises sera lancé à la rentrée, il y aura des appels d’offres, avec dépouillement d’ici la fin de l’année.  On entamera les travaux réellement en mars ou avril 2023.

– Faudra-t-il fermer l’église ?

– Non, il y aura un échafaudage sur un tiers de l’église. Un échafaudage renforcé, car en sous-sol il y a la crypte et originellement un système de chauffage au sol qui le fragilise. Il faut être certain que l’échafaudage ne tombe pas dans la crypte.

– Les fidèles vont pouvoir voir ce qui se passe ?

– Oui ! Ils ont d’ailleurs déjà vu lors des travaux sur les verrières. Ils se sont rendu compte de l’emprise que cela représente au sol, qu’il faut déplacer les chaises etc. Ils vont aussi voir les premiers effets [de nettoyage] sur les peintures.

– La crypte est en travaux actuellement ?

– Il s’agit de la sécuriser au point de vue lutte contre les incendies. Il faut favoriser une ventilation latérale entre une façade donnant sur la rue et la petite cour derrière, cela nécessite de déplacer des cloisons. On prévoit aussi, un peu plus tard, de créer un accès pour les personnes à mobilité réduite en installant un ascenseur.

En 2023, les restaurateurs d’art entameront le chantier sur les fresques intérieures de l’église Saint-Louis à Vincennes (CDC)

Suivre le chantier, une aventure passionnante

– Vous suivez ce chantier avec attention, depuis plusieurs mois, c’est un projet au long cours…

– C’est une aventure humaine vraiment passionnante, on voit travailler des professionnels qui connaissent bien leur métier. Il y a l’architecte, Pierre-Antoine Gatier, et son équipe.  On vit au rythme des bonnes et mauvaises nouvelles qui apparaissent, mais on trouve toujours une solution. Pierre-Antoine Gatier fait face aux questions avec beaucoup de sang froid, diplomatie et pédagogie. Le conservateur régional de la Drac est également venu visiter l’église, il a une bonne connaissance du dossier, il a posé des questions précises.

– Vous évoquiez les bonnes et mauvaises surprises du chantier…

– De très bonnes surprises ! Par exemple il n’y a pas de plomb, cela change le prix et le délai des travaux… Ensuite, l’église ne bouge plus. Il y avait des traces de fissure dans le sol du côté des arcs qui portent le bâtiment. Certains murs avaient bougé il y a 20 ans, on avait réglé le problème. Aujourd’hui on a mis des capteurs pour regarder, c’est comme si le fleuve avait trouvé son lit : l’église ne bouge plus. Quant aux mauvaises surprises… Je me souviens de la pluie tombant sur le piano lors d’un concert, après le confinement.  Et lors de la première phase des travaux, on s’est aperçu que certains crépis intérieurs  se décollaient, des peintures étaient abîmées, on a consolidé et maintenant cela va être traité à fond.

Propos recueillis par Valérie-Anne Maitre

Parmi les travaux réalisés pendant les deux premières phases: la peinture des portes et la restauration des ferronnerie. Eglise Saint-Louis, Vincennes, septembre 2022.(CDC)

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