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Créer la statue de Notre Dame de l’Apocalypse – Interview exclusive de Françoise Bissara

La commande a été attribuée à Françoise Bissara, pour la future cathédrale de Créteil déployée le 20 septembre 2015. A l’occasion de son dixième anniversaire, l’artiste livre quelques secrets en exclusivité.

« Marie de l’Apocalypse de Créteil est en moi une présence vivante et forte de lumière et d’élan. Elle est la vérité d’un chemin que je ne peux pas expliquer par des mots en une seule fois mais qui se crée œuvre après œuvre comme un événement à chaque fois.  Avec cette statue, je suis allée à sa rencontre.

 Il y a dix ans que je l’ai réalisée, elle fait deux mètres de hauteur et doit peser dans les 200 kilos. Comme Marie, qui s’enfuit seule au désert avec son enfant, dans le silence du désert, cette statue déstabilise, elle est un mouvement.
Marie est jaillissante, comme le feu, avec son manteau de soleil. Son visage est tourné vers l’inconnu, elle est en combat, avec l’enfant qu’elle porte et protège. Et qui la protège, car il est Dieu, fils de Dieu. Elle est en combat et ouverte à la lumière, celle de la nuit portée par les étoiles, elles sont inscrites sur son vêtement. Elle est aussi l’étoile dans la nuit, la lumière dans nos nuits.

La statue Notre Dame de l'Apocalypse réalisée par Françoise Bissara (©DR)

La statue Notre Dame de l’Apocalypse réalisée par Françoise Bissara (©DR)

La statue la montre en suspension, le feu, le vent, ce souffle de l’Esprit-Saint gonfle son vêtement, elle nous emmène dans ce vent, en nous montrant son enfant nouveau-né. Le vêtement est fait de tissage, d’écriture, de dessins avec ce monstre en-bas, qu’elle a combattu pour s’inscrire dans l’humanité nouvelle, avec l’Enfant Sauveur. Et il nous sauve sans cesse, encore, toujours.

Je pense à Marie du Magnificat, de l’espérance qu’elle offre au monde, ce fils de Dieu de Miséricorde qu’elle porte et qu’elle enfante. Marie de l’Apocalypse n’est pas une Marie éthérée, c’est la Vierge qui vient de mettre au monde le fils de Dieu, que le démon veut détruire. C’est une Marie combative, une jeune mère resplendissante et lumineuse. »

L'enfant Jésus - détail de la statue Notre-Dame de l'Apocalypse par Françoise Bissara (©DR)

L’enfant Jésus – détail de la statue Notre-Dame de l’Apocalypse par Françoise Bissara (©DR)

Le diable - détail de la statue Notre-Dame de l'Apocalypse par Françoise Bissara (©DR)

Le diable – détail de la statue Notre-Dame de l’Apocalypse par Françoise Bissara (©DR)

Le making-off d'une sculpture

« Pour une œuvre que l’on me commande, je l’accueille en toute liberté.  C’est le début d’un cheminement spirituel, d’une épreuve. Je me mets à l’écoute, je laisse Dieu et la vérité me guider, ce n’est pas moi, c’est l’inspiration qui va œuvrer. Je donne de moi, de ma vie en créant, c’est un témoignage aussi.

Avant de créer je rentre dans le silence complet, comme dans un désert. Je fais le vide de toutes mes pensées vers une extrême concentration. Marie de l’Apocalypse donne au Monde le fils de Dieu et moi je la laisse habiter mon silence et me surprendre, m’inspirer.

 

D’abord, je commence par faire des dessins à grands traits sur le papier, ce n’est pas très précis, au début. Des esquisses, des bribes, des mouvements, de l’inspiration.
Ensuite je passe à la réalisation de la maquette sous la forme d’une sculpture en cire. C’est précis, malléable, doux, tendre. C’est le jaillissement fragile de la statue, avec les proportions, les expressions, le mouvement… Tout se met en place en 3D. Mais cette sculpture ne fait qu’un mètre de hauteur environ.
Enfin, arrive le moment de la peur. Celui où je dois réaliser la statue de cire « en grand ». Je construis une structure qui va supporter toute l’œuvre à deux mètres de hauteur. C’est un combat, il faut que j’aie confiance, je rentre dans les ténèbres. Car, maintenant, il me faut réaliser la sculpture de la cire à taille réelle, celle qui va « être » la statue. »

Créer par étapes, dans la confiance

« Petit à petit, je remplis le vide avec de la cire sur des grillages, avec une prière silencieuse, je demande d’aller plus loin dans mon élan créatif, dans la confiance. Sur le vêtement, le manteau ouvert de Marie, il faut travailler avec les forces verticales, horizontales, avec les graffiti en diagonale pour donner la force du mouvement, dans les plis et replis. J’avance dans un mélange de cires blondes, orangées, brunes… enfin, Marie de l’Apocalypse et l’enfant Jésus sont là, en hauteur, immobiles et en mouvement.

Françoise Bissara dans son atelier

Françoise Bissara dans son atelier (©DR)

Les commanditaires de cette création viennent dans l’atelier pour voir «  la cire ». Extasiés par cette statue plus grande qu’eux, aux couleurs d’ambre et de feu, dans la douceur et la lumière des cires. La trame du manteau de Marie ose la lumière, elle porte la lumière du monde, Jésus, sur son cœur. Cette cire est déjà une œuvre en soi, éphémère certes, mais elle crée l’émerveillement des visiteurs de l’atelier.

Ensuite, je confie au fondeur cette création de cire, née de mes mains, de mon inspiration, de mon âme… Son travail sera de réaliser le moule en plâtre de cette matrice en cire, qui sera totalement conforme à la statue que j’ai créée. »

Le feu et le bronze

« Puis vient l’épreuve du feu, à chaque fois cela me dépasse… C’est une alchimie et un mystère, le moule reçoit le bronze fondu qui va remplir chaque espace du moule. Après plusieurs jours de refroidissement, l’équipe enlève les scories et enfin, on découvre la statue.

Par endroits, je dois retravailler avec mes instruments sur la patine des visages pour retrouver leur douceur. Le bronze est plus sombre, plus rude que la douceur de la cire. On travaille cela avec les gars de l’équipe du fondeur qui savent très bien ce qu’il y a à faire. »

La statue Notre Dame de l'Apocalypse de la cathédrale de Créteil à la lumière zénitale

La statue Notre Dame de l’Apocalypse de la cathédrale de Créteil à la lumière zénitale (©DR)

L'offrande

« Dernières retouches, dernier contact charnel avec l’œuvre qui sera ensuite emballée soigneusement dans une immense caisse de bois, puis installée à la cathédrale de Créteil. L’œuvre est alors offerte au monde, aux regards, à la prière, à l’hommage… Elle n’appartient plus à son créateur, elle devient un don, œuvre d’art et de foi, pour tous. »

 

Propos recueillis par Véronique Tête

Le chœur de la cathédrale Notre-Dame de Créteil

Le chœur de la cathédrale Notre-Dame de Créteil (©DR)

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