Ensemble, préservons le patrimoine religieux

François Drouin : (Art Culture et Foi) «Des merveilles à découvrir dans les églises»

Alors que les musées sont fermés, François Drouin rappelle que les églises parisiennes recèlent des trésors à admirer in situ. L’association édite sa 22e édition du Guide des visites d’églises où figurent nombre d’édifices bâtis avec le soutien des Chantiers du Cardinal.

Maintenir les visites guidées dans les églises

Vous venez de prendre la présidence de l’association Art, Culture et Foi, fondée en 1989 à la demande du cardinal Lustiger. Pourquoi ?

Pour la beauté de la mission : mettre en valeur le patrimoine religieux parisien et développer les liens avec les artistes contemporains. Financier toujours en activité, j’ai accepté de prendre  la présidence à la demande du père Philippe Desgens, délégué épiscopal pour la pastorale de l’art et la culture dans le diocèse de Paris, car je trouve que c’est une très belle association. Elle est animée uniquement par des bénévoles dont l’engagement et la compétence m’ont impressionné.

François Drouin est le président d’Art, Culture et Foi. (Crédit ACF)

La première activité des bénévoles d’Art Culture et Foi est de faire découvrir les églises parisiennes. Nombre d’entre elles, au XXe siècle, ont été bâties avec le soutien des Chantiers du Cardinal…

En effet, il y a la très belle église Notre-Dame-de l’Assomption-des-Buttes-Chaumont (19e arrondissement de Paris) ou encore l’église Sainte-Odile (17e). Citons aussi dans le 20e Saint-Cyrille-Saint Méthode et l’église du Cœur-Eucharistique-de-Jésus. Il y a aussi l’église Saint-Jean à Montmartre (18e). Enfin, je pense à l’église Sainte-Jeanne de Chantal (16e).

Dans le contexte actuel, avez-vous pu maintenir les visites guidées ?

Tout à fait et avec beaucoup de succès. C’est la contre partie de la crise sanitaire. Comme les gens ne peuvent plus aller dans les musées, ils redécouvrent les églises et apprécient qu’on les y accueille. Nos bénévoles rendent sensible la visite. C’est leur mission. L’idée n’est pas d’apprécier l’art pour l’art. Il y a une dimension pastorale discrète dans leur accompagnement mais ils ne font pas de prosélytisme afin de ne pas heurter. Certaines personnes croient qu’elles n’ont pas le droit d’entrer, que leur religion leur interdit. D’autres peuvent être choquées. J’ai le souvenir d’un asiatique qui ne comprenait pas pourquoi on avait représenté un homme quasiment nu cloué sur une croix. Même s’il y a une dimension spirituelle dans leur démarche, les guides sont là pour expliquer pas pour évangéliser.

Un guide et une application pour visiter de nombreuses églises dans Paris. (ACF/CDC)

Dans une quarantaine d’églises, nous proposons également l’application « Les pierres parlent » qui fonctionne grâce à un QR code que vous scannez sur votre smartphone à l’entrée du lieu de culte. En 2019, nous avons eu 10 000 visites par ce dispositif. Malgré la Covid et l’absence des touristes, nous avons connu une augmentation importante de connexions. Profitant de la période sans activité, nous avons analysé les téléchargements et appris qu’un tiers des utilisateurs sont des étrangers et que 62 % ont moins de 35 ans.

Cette étude approfondie est surtout destinée à améliorer notre offre. Certaines rubriques sont très écoutées, d’autres moins, comme celle sur les orgues. La présentation de l’architecture est, par contre, toujours appréciée. L’explication enregistrée permet de découvrir des facettes cachées des édifices, comme la structure métallique de Saint-Augustin par exemple.

Des trésors à (re)découvrir dans les églises

Le tableau de Rubens « Les Pèlerins d’Emmaüs » vient d’être raccroché dans l’église Saint-Eustache après sa restauration. Ce n’est pas le seul trésor que recèlent les 112 églises parisiennes. Avez-vous en tête d’autres merveilles à découvrir?

Ce n’est pas à proprement parler une merveille mais il y a un curieux tableau du XIXe dans l’église Notre-Dame-des-Champs, très moderne voire féministe dans son approche. Il représente La Sainte Famille. Aussi étonnant que cela puisse paraître, ce n’est pas Marie qui change les langes de l’Enfant mais… Joseph.

Il y a un très beau tableau de Zurbarán à Saint-Médard. Il représente saint Joseph en train de faire une promenade avec Jésus enfant. En cours de restauration, il va bientôt retrouver sa place dans l’église. Comme nous sommes dans l’année saint Joseph, une conférence va être proposée sur le thème des relations entre Jésus et celui qui a été son père terrestre. « Le Fils de Dieu fait homme a-t-il eu une vraie enfance ? ». A-t-il dû apprendre à lire, à écrire, à marcher ou savait-il déjà tout dès sa naissance ? Les théologiens n’ont pas donné beaucoup d’explications, les artistes se sont eux exprimés.

Saint-Michel terrassant le démon , Eugène Delacroix, église Saint-Sulpice à Paris. (Jean-Pierre Dalbéra/CC)

Il y a beaucoup d’autres trésors ! À Saint-Sulpice, des Delacroix et des statues de Pigalle. Un Tintoret à Saint-François-Xavier, intéressant car on voit une scène où Judas cache la bourse, rançon de sa trahison. Ce ne sont que quelques exemples. Et n’oublions pas les vitraux que vous ne verrez dans aucun musée.

À propos de conférences sur l’art, une autre proposition de l’association, la crise du Covid-19 rend compliquée leur organisation. Qu’avez vu pu maintenir ?

Le cycle de six conférences, organisé chaque année aux Bernardins, a été maintenu… en vidéo. Nous avions choisi un thème formidable : « Le visage du Christ dans l’art ». C’était passionnant car les intervenants nous ont déroulé une fresque des manières très différentes dont les artistes ont traité ce thème. Comment représenter le fils de Dieu fait homme ? En Orient, dès le VIe siècle, sa figuration a été figée. Le visage des icônes peintes aujourd’hui répond aux mêmes codes qu’au XVe siècle : cheveux fins, barbe… Alors qu’en Occident, aucune consigne théologique n’a été donnée. Nous avons eu par exemple une intervention passionnante sur le retable d’Issenheim et une autre sur La Transfiguration de Raphaël, le dernier tableau qu’il ait peint.

Cycle de conférence Le visage du Christ dans l’art. (ACF/CDC)

L’art, c’est aussi la musique. Une conférence a donc été donnée par le pasteur Alain Joly évoquant « la présence du Christ, audible et cachée, dans l’œuvre de Bach ». Ce théologien et musicologue luthérien a raconté que le musicien, profondément chrétien, dispersait dans ses partitions des notes individuelles, indépendantes de la musique, qui formaient un code signifiant « Khristós ».

A partir du 12 mars dans le cadre du Marais chrétien, un nouveau cycle de conférences va avoir lieu sur le thème de la joie. À défaut d’y assister en direct, vous pourrez, comme celles sur le visage du Christ, les visionner de chez vous depuis le site d’Art Culture et Foi.

L’art sacré est également au cœur de votre mission, avec quelle actualité ?

Nous exposons actuellement dans la galerie Saint-Séverin une œuvre d’un artiste chilien contemporain réputé, Ramirez, où figure une phrase poétique qui signifie « Si tu veux cultiver ton jardin, il te faut un lopin de terre et l’éternité ». La galerie est réputée et les artistes sont fiers d’être présentés dans cette pépinière.

En partenariat avec la Mairie de Paris, nous participons également activement à la Nuit blanche qui se déroule le premier week-end d’octobre. Nous cherchons les églises qui peuvent accueillir des œuvres artistiques adaptées au lieu.

Infos pratiques

Le programme des conférences proposées chaque jeudi par Art, Culture et Foi est disponible sur le site internet. Billetterie en ligne.

Renseignement au 01 78 91 91 65 et à contact@artculturefoi.paris

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30 ans au service de l’art, de la culture et de la foi
11.02.2019 Article

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