
©Antoine Dominique
Peintre et sculpteur, surnommé « l’enchanteur », son art figuratif émerveille petits et grands, sages et fous…
Actuellement installé sur le chantier de d’embellissement de la voûte de la nouvelle église Saint Joseph le Bienveillant (78), il nous accorde cet entretien exclusif à propos des églises.

©Antoine Dominique
Une église est une porte, un lieu de passage entre deux mondes, ou plutôt une manière de les réunir, symboliquement et réellement. L’architecte et l’artiste se chargent de la première partie, Dieu se charge de la seconde. Sans surprise, Dieu fait toujours sa part, quelles que soient les conditions, acceptant d’être servi ou desservi par le travail des premiers, acceptant d’être révélé par le talent ou caché par l’indigence : dans une église, la présence de Dieu paraît presque évidente et dans une autre c’est le mystère insondable de son humilité qui est évident.
Il y en a beaucoup. Je pense à toutes les églises dans lesquelles j’ai travaillé et en particulier la cathédrale de Saint-Malo. J’ai livré un premier retable en 2019 dans cette cathédrale, un autre en 2020, en 2021 et ainsi de suite jusqu’en 2024. Je travaille encore à deux nouveaux tableaux que je livrerai dans les prochaines années. Ce temps long m’a permis de développer un lien très fort avec cet édifice. Je connais sa lumière aux différentes heures du jour et ses variations suivant les saisons, je connais ses couleurs, sa résonance, en un mot, sa personnalité. Mais puisque je travaille cette année en région parisienne, j’ai envie d’ajouter l’église du Sacré-Cœur de Gentilly que je connais à peine – je n’y suis encore jamais entré – et plus particulièrement son clocher que j’aperçois depuis mon enfance à chaque arrivée à Paris. J’ai toujours été subjugué par la vision de ces quatre anges de bronze, immenses, protecteurs et sereins, qui surgissent au-dessus du périphérique, dominant la laideur et le bruit. Chaque fois, j’attends cette apparition avec la même impatience.
On pourrait se dire qu’il n’y a pas vraiment d’église idéale, seulement des églises qui répondent correctement à un usage ; et l’usage que fait d’une église une communauté de moines cisterciens n’est pas celui d’une paroisse urbaine fréquentée par des familles. De cet usage dépendent effectivement des choix architecturaux, la disposition du mobilier liturgique, l’ornementation, etc. Il y a pourtant un socle commun qui gagnerait à retrouver quelque chose de plus organique dans ses proportions et dans ses matériaux de construction. Je rêve d’une architecture plus incarnée, faite pour parler de Dieu à l’Homme, dans un langage qu’il peut comprendre, celui du corps humain, de ses proportions, de ses sens. Il faudrait d’abord s’affranchir des concepts de l’architecture contemporaine qui sont le reflet d’une autre vision du monde, rationnelle et matérialiste, et qui font ressembler trop d’églises à des salles de conférence. Je rêve d’une église qui laisse une place au mystère, en travaillant l’ombre autant que la lumière ; d’une église où l’art et la contemplation précèdent le discours.
️️« Un cénacle dans mon quotidien » – Interview exclusive de Jean-Charles de Castelbajac