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L’art du vitrail au XXe siècle

A partir de l’entre-deux-guerres, bien plus qu’un ornement, le vitrail prend une importance considérable dans l’architecture religieuse du XXe siècle. Portées par le renouveau de l’art sacré et grâce à l’émergence de nouvelles matières telles que la dalle de verre, sa création et sa réalisation deviennent multiples. De nombreuses églises  bâties par les Chantiers du Cardinal en témoignent.

 

Le vitrail antique au plomb n'est plus le seul matériau

Rosace en dalles de verre de l'église Saint-Louis de Vincennes (Val-de-Marne)

Rosace en dalles de verre de l’église Saint-Louis de Vincennes (Val-de-Marne)

Une dimension spirituelle renouvelée

« L’architecture est le jeu savant, correct et magnifique des volumes assemblés sous la lumière », proclamait Le Corbusier dans les années vingt. Cette assertion illustre l’importance du vitrail. Fin XIXe, l’art du vitrail est un art sclérosé terriblement encadré par des règles académiques strictes et une imagerie religieuse obsolète. Au XXe siècle, il se libère. Sublimé par une dimension spirituelle renouvelée, il retrouve un rôle à la fois fonctionnel et décoratif. Illustratif, il est porté par le dynamisme de jeunes artistes tels que Georges Desvallières des Ateliers d’art sacré ou Maurice Denis, chef de fil des Nabis.

Vitrail de l'église Sainte-Thérèse-de-L'Enfant-Jésus à Boulogne-Billancourt (Hauts-de-Seine)

Vitrail de l’église Sainte-Thérèse-de-L’Enfant-Jésus à Boulogne-Billancourt (Hauts-de-Seine)

La technique du vitrail évolue

Outre la créativité, la technique de fabrication connaît également une pluralité. Le vitrail au plomb traditionnel n’est plus le seul mode de réalisation. Dès les années trente, la dalle de verre se développe atteignant son apogée dans les années cinquante et trouvant sa place dans de multiples églises des Chantiers du Cardinal. Ces pavés, d’environ 3 cm sont traités comme sont traitées comme une mosaïque. On en voit un bel exemple à Notre-Dame-de-l’Assomption-des-Buttes-Chaumont (Paris XIXe), dont les panneaux ont été restaurés récemment par les Ateliers Loire ou à Saint-Louis de Vincennes (Val-de-Marne) dont la très importante préservation est menée par Pierre-Antoine Gatier, architecte des monuments historiques. Les vitraux de Sainte-Thérèse-de-L’Enfant-Jésus à Boulogne-Billancourt (Hauts-de-Seine) viennent également d’être rénovés.

Avec la reconstruction des nombreuses cathédrales et églises défigurées par la première guerre mondiale ainsi que la construction de nouveaux lieux de culte en particulier en Île-de-France sous l’impulsion des Chantiers du Cardinal, les ateliers prospèrent : Ateliers Mauméjean, Louis Barillet, Max Ingrand, Gabriel Loire  à la fois créateurs et réalisateurs… Rien qu’à Colombes, on en compte deux dans les années trente qui abritent des vitraux remarquables : la chapelle Saint-Marc (Ateliers Mauméjean) et la chapelle Saint-Étienne-Saint-Henri (vitraux de Marthe Oehler et du maître verrier André Pierre).

L’apparition du béton

Depuis les années vingt, l’utilisation nouvelle du béton dans la construction rend possible l’édification de murs de lumière dont le plus célèbre exemple est sans doute celui de Notre-Dame-du-Raincy (Seine-Saint-Denis) d’Auguste Perret. « Ses murs, écrit Véronique David dans L’Art du vitrail*remplacés par une grille infinie de claustras, offre à Maurice Denis un terrain d’application idéal à ses théories […] Les dix scènes de la vie de la Vierge témoignent de l’importance de la tradition iconographique. Mais par un plan de coloration qui s’intensifie au fur et à mesure que l’on s’avance vers la grande croix rouge sur fond bleu de l’abside, c’est bien davantage le rôle de créateur d’atmosphère du vitrail qui est mis en valeur ». Le vitrail retrouve alors une place majeure dans l’édifice.

Dans les années cinquante, il se veut abstrait. Une partie de l’Église, à la suite du père Couturier, souhaite donner la parole à des artistes célèbres même athées pour certains : Fernand Léger, Henri Matisse, Jean Bazaine, Pierre Soulages…

En Île-de-France, les exemples d’œuvres abritées par des églises construites dans le cadre des Chantiers du Cardinal sont pléthores : Léon Zack, Notre-Dame-des-Pauvres à Issy-les-Moulineaux (Hauts-de-Seine); vitraux de Max Ingrand, église Sainte-Bernadette à Levallois-Perret (Hauts-de-Seine); vitraux de Marguerite Huré, église de Pierrefitte (Seine-Saint-Denis),  église Saint-Michel de Goussainville (Val-d’Oise) qui attend une restauration prochaine…

Vitrail st michel

Détail du vitrail de l’église Saint-Michel de Goussainville

Aujourd’hui, portée par les techniques diverses des maîtres verriers, la créativité des artistes  n’a plus de limite : vitrail antique au plomb, dalles de verre, thermoformage, verre industriel, double vitrage, verres peints, gravure à l’acide, gravure au jet de sable…

Une histoire ancienne

Pourtant, le vitrail n’a pas attendu le XXe siècle pour gagner ses lettres de noblesse. Que serait la cathédrale de Chartres sans sa rosace ou la basilique cathédrale de Saint-Denis sans la lumière colorée qui se projette sur ses colonnes ? Des squelettes de pierre ?

Dès le XIIe siècle, l’abbé Suger (1081-1151), concevait la beauté comme une « forme lumineuse émanant de la source divine ». La croix évidée de l’autel de la cathédrale basilique de Saint-Denis, permettant la projection de la lumière sur les cénotaphes des rois de France placés dans la crypte, œuvre du sculpteur Vladimir Zbynovsky, est dans la droite ligne de l’intuition de « l’inventeur de l’art gothique ». De 1140 à 1144, l’abbé Suger, se consacre en effet à la reconstruction du vieil édifice carolingien. Il édifie « en trois ans, trois mois, trois jours » nous dit-il, un nouveau chevet lumineux.

Le nouvel autel de la basilique cathédrale de Saint-Denis, œuvre de Vladimir Zbynovsky, consacré le 14 janvier 2018. (Crédit Gil Fornet/CDC)

Une cathédrale de lumière contemporaine

Le déploiement de la cathédrale Notre-Dame de Créteil, grand projet des Chantiers du Cardinal conçu par Architecture Studio, donne lui aussi toute sa place au vitrail. Deux coques de bois, évoquant deux mains jointes en prière, sont reliées par un arc verrier, œuvre d’Udo Zembok, conférant une lumière colorée au chœur.

*Actes Sud – 2002.

L’arc verrier, œuvre d’Udo Zembok

L’arc verrier, œuvre d’Udo Zembok

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